La ville moderne c’est comme une prison.
Attends j’t’explique.
On plante le décor. T’es dans le métro. Devant toi, une personne comme tant d’autres.
Tu croises son regard une fois… puis une seconde…
Et là, malaise.
Tu commences à te dire « Merde, si j’la regarde, elle va croire que j’bug sur sa gueule, que j’lui veux quelquechose ».
Alors t’essaies de ne pas regarder devant toi.
C’est fou quand même. T’es assisE et tu t’interdis de regarder devant toi.
Enfin bref, on reprend.
T’en as marre de détailler le sol, tu regardes par la fenêtre, ça te saoule.
Alors tu regardes devant, et là, tu recroises son regard, re-malaise. Tu sais plus quoi faire.
Un sourire ? non, ça fait trop j’drague.
Faire la gueule ? nonon, ça genre tu m’vénères.
Bon, tu t’résignes. Tu détailles le plan de la ligne, les grafs, les pubs pour Public.
C’est bon, tu descends.
Ouais bon, attends, c’est pas fini.
Là, t’es dehors, tu marches, tranquille.
Tu croises quelqu'un, un mec qui se la joue caïd.
Deux solutions, tu soutiens le regard au risque de te faire emmerder, ou alors tu regardes par terre.
C’est bon, il est passé.
Tu tapes ton code.
Tu montes dans l’ascenseur.
Merde, y’a quelqu'un d’autre qui monte.
Bon, t’es poliE, tu dis bonjour doucement, ton neutre.
Et là, tu respectes la loi de l’ascenseur.
Tu vas pas rentrer en contact avec ton voisin inconnu, ça se fait pas. Tu sais pas pourquoi, mais ça se fait pas.
Tu vas pas le regarder fixement, même s’il est devant toi, ça va vous mettre tous les deux mal à l’aise.
Alors encore une fois, tu regardes tes chaussures.
Au revoir poli.
Tu tournes ta clef.
T’es chez toi.
Tu peux enfin respirer et regarder où tu veux, comme tu veux.
Et dehors, tu vois une ville moderne, une jolie prison aux lumières artificielles où les regards des gens s’évitent poliment et où tout contact physique ou visuel est une agression.
BienvenuE dans la ville. BienvenuE en taule.
Cherche pas les barreaux, ils sont aussi transparents qu’une vitrine de magasin.